Quand l’endormissement vire au bras de fer, la tentation est grande d’essayer une “solution naturelle”. La mélatonine, vendue en sprays, gouttes, comprimés… et même en bonbons, s’invite ainsi dans les chambres d’enfants. Pourtant, ce “petit bonbon” n’est pas sans enjeux. 

Ce que disent les autorités belges

En Belgique, la mélatonine est considérée comme un médicament dès 300 µg par voie orale (200 µg si absorption buccale/trans-muqueuse). Les compléments ne sont pas recommandés chez les moins de 12 ans par principe de précaution, et les médicaments à base de mélatonine sont soumis à prescription.
Le Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique (CBIP) rappelle en outre qu’aucun médicament à base de mélatonine n’a d’autorisation pédiatrique générale en Belgique ; toute prescription chez l’enfant est donc “off-label”. 

Efficacité : des cas particuliers, pas une baguette magique

Les données de qualité montrent surtout un intérêt à court terme chez des enfants présentant des troubles neuro-développementaux (autisme, syndrome de Smith-Magenis) : endormissement un peu plus rapide et sommeil légèrement plus long. Pour les enfants sans ces troubles, les preuves d’efficacité sont insuffisantes. De plus, on ignore la sécurité d’un usage prolongé chez l’enfant.

Effets indésirables possibles

Céphalées, somnolence diurne, cauchemars, troubles digestifs ont été décrits plus fréquemment sous mélatonine que sous placebo dans les essais pédiatriques. Des inquiétudes persistent – non élucidées – autour d’un effet potentiel sur la puberté en cas d’usage prolongé. Prudence renforcée en cas d’épilepsie (risque de convulsions), de maladies auto-immunes ou d’interactions (ex. caféine, fluvoxamine – métabolisme CYP1A2). 

Problème des gummies : dosages aléatoires et contaminations

Les bonbons à la mélatonine plaisent aux enfants… et posent deux problèmes :

  1. Variabilité des dosages : une étude JAMA (2023) a trouvé des écarts massifs entre la teneur réelle et l’étiquette dans des gummies vendus aux États-Unis. 

  2. Contaminations : une étude canadienne avait déjà mis en évidence des écarts de −83 % à +487 % et la présence de sérotonine dans certains compléments. Les formulations à mâcher étaient parmi les plus variables. 

Expositions accidentelles en hausse

Le CBIP, s’appuyant sur les données du Centre Antipoisons belge, rapporte 228 expositions chez des 0–14 ans entre 2018 et juillet 2022, avec un doublement des cas entre 2018 et 2021. 

À l’international, les CDC américains ont documenté 260 435 ingestions pédiatriques sur 2012–2021 (+530 %) et environ 11 000 passages aux urgences chez les moins de 5 ans entre 2019 et 2022 — en grande partie liés à des ingestions non supervisées de produits attractifs (gummies). Message clé : ranger comme un médicament, hors de portée

En pratique : que faire quand un enfant dort mal ?

La première ligne, c’est l’hygiène de sommeil, efficace dans une majorité de cas :

  • Horaire de coucher et de lever réguliers, y compris le week-end.

  • Rituel apaisant 30–60 min avant le dodo (lecture, bain tiède, lumière tamisée).

  • Pas d’écrans dans l’heure précédant le coucher et pas d’appareils dans la chambre.

  • Chambre fraîche, sombre, silencieuse ; limiter les boissons excitantes en fin de journée.

  • Activité physique quotidienne et exposition à la lumière du matin.
    (Recommandations issues de sources pédiatriques/nationales). 

Si malgré tout, les difficultés persistent : parlez d’abord au pédiatre. Les sociétés savantes recommandent de n’envisager la mélatonine qu’après une évaluation médicale, pour une durée courte, avec posologie minimale et objectif précis (p. ex. certains troubles du rythme veille-sommeil chez l’adolescent ou des troubles du neuro-développement). 

Si un traitement par mélatonine est prescrit

  • Utiliser la forme et la dose indiquées par le médecin ; éviter l’auto-médication.

  • Stocker hors de portée (armoire fermée), ne jamais présenter comme un bonbon.

  • Préférer des produits répondant à des normes de qualité connues quand c’est applicable, et éviter les achats en ligne douteux. 

À retenir

  • En Belgique, la mélatonine n’est pas un bonbon : statut de médicament au-delà de micro-doses, et pas de compléments pour les < 12 ans recommandés.

  • Efficacité limitée et surtout à court terme, en priorité dans des situations spécifiques et sous suivi médical. 

  • Risque d’expositions accidentelles et dosages imprécis des gummies : vigilance maximale.

Cet article est informatif et ne remplace pas l’avis de votre professionnel·le de santé.